Trois météorites tombées à Charsonville à la limite d'Epieds |
Le vendredi 23 novembre 1810, à une heure et demie de l'après-midi,
le temps était très calme et serein, le vent au sud, le thermomètre de
Réaumur à 12°. On a entendu dans la campagne, une explosion qui a duré
quelques minutes et dans laquelle on a distingué trois fortes
détonations, qui se sont succédées et qui semblaient être l'effet
d'une mine considérable ou plutôt l'explosion d'un magasin à poudre.
Les gens de la campagne ont été d'autant plus effrayés,
qu'indépendamment du bruit qui s'était fait entendre plus
distinctement, ils ont vu dans l'atmosphère un globe de feu qui, se
dirigeant du nord au sud, avait formé, au moment de l'explosion, une
traînée de feu considérable dans toute sa direction.
Cet événement extraordinaire et dont on ignorait la cause, avait jeté l'alarme parmi tous les citoyens. A huit heures du soir, le bruit se répand tout à coup qu'il avait été occasionné par l'explosion subite du parc d'artillerie de la garde impériale en garnison à Blois, et la nuit se passa dans des inquiétudes affreuses sur le sort des habitants.
Cette fâcheuse nouvelle s'était tellement accrédités le lendemain matin, qu'on en expliquait les circonstances et qu'on désignait le nombre des victimes de ce malheureux accident, mais elle fut bientôt démentie par le rapport que vient de me faire, à dix heures, le nommé Jean-Claude HENAULT, fermier de la métairie de Mortelle située entre Epieds et Charsonville.
Voici le rapport que ce particulier m'a fait :
" Hier, à une heure et quart de l'après-midi, étant sorti de la
ferme avec le garçon charretier, nous avons vu en l'air un globe de
feu considérable venant du nord, et qui, après avoir fait un long
trajet, est venu crever au-dessus de notre tête, lançant de tous coté
feux et flammes. Nous avons entendu aussitôt trois coups qui se sont
succédés à quelques distances les uns des autres, et nous ont paru
semblables à trois forts coups de canons, à ce bruit a succédé un
sifflement extraordinaire produit par une pierre accompagnée d'une
fumée très épaisse, et qui a été lancée à très peu de distance de
nous, et à fait jaillir la terre où elle est tombée, à la hauteur de
plus de cinq pieds.
Revenus de notre frayeur, nous avons été à l'endroit où elle est tombée, mais craignant qu'elle ne se relevât, nous avons attendu quelques temps, d'autant plus que nous avions besoin d'outils pour la retirer de la terre où elle s'était enfouie à la profondeur de deux pieds environ (80 cm), elle était encore chaude et pesait vingt livres. Tous les habitants du voisinage sont accourus au bruit et, chacun a voulu en avoir un morceau."
Cette pierre, dont le sieur HENAULT m'a apporté un fragment très peu considérable avait avant d'être brisée la forme d'un carré long de six pouces de longueur sur cinq pouces d'épaisseur, elle étincelle sous le briquet et produit un son mat lorsqu'elle est frappée avec un instrument en fer.
Voici actuellement ce que j'ai observé moi-même, d'après les fragments que j'ai entre les mains :
Cette pierre est recouverte d'une croute presque noire et enfumée, elle est d'un gris cendré dans son intérieur et parsemée de points brillants qu'on prendrait d'abord pour un mica, mais, vu au microscope, on reconnait bientôt que ces points sont autant de globules métalliques de la nature du fer, puisque la pierre est en entier attirable à l'aimant. Son poids est assez considérable pour son volume, et elle ne présente à l'intérieur ni vide ni boursouflure. Lorsqu'elle est frottée contre un corps dur, elle se polit et acquiert à cet endroit le brillant métallique, et elle ne m'a pas paru lors du frottement, répandre aucune odeur de soufre, ce qui prouve qu'il a été détruit entièrement par l'action du feu, mais comment se fait-il que le fer lui-même, par cette action, n'ai pas passé à l'état de scories.
Je laisse aux savants expliquer ce phénomène, ...
Beaugency, le 24 novembre 1810 signé J.N. PELLIEUX aîné
P.S. : Le lendemain, il a été trouvé deux
autres pierres à un demi quart de lieue de la première, et toutes les
deux à égale distance l'une de l'autre. La seconde est tombée à
Villerai et la troisième au Moulin brûlé, paroisse de Charsonville.
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Article de la République du Centre paru le 20 février 2013 :
"...Il y a plus de deux cents ans, trois roches, tout droit arrivées de l’espace, s’écrasaient en 1810 à Charsonville. À l’époque, les habitants d’Orléans et de Beaugency expliquent avoir entendu trois violentes explosions et observent un immense globe de feu dans le ciel. « J’entendis parfaitement les explosions qui furent violentes et me frappèrent d’autant plus que, dans ce moment, le temps était calme », écrit un certain Bigot de Morogues dans le Mémoire historique et physique(*). La masse totale de la roche trouvée avoisine les 27 kilos."
Laetitia Roussel
(*) Le Mémoire historique et physique sur les chutes des pierres tombées sur la surface de la terre (publié en 1812) auquel fait référence l’Encyclopédie des météorites françaises (meteor-center.com).